« L’évolution » matérialiste de ces dernières décennies a malheureusement éloigné nos contemporains des contes de fées et de nos traditions ancestrales. De sorte que l’existence d’êtres de petite taille, bien souvent invisibles, est aujourd’hui reléguée dans le domaine des histoires à dormir debout et autres superstitions. Pourtant, nos aïeux croyaient dur comme fer à ce « petit peuple », au point de baptiser certains lieux du nom de ces énigmatiques créatures. Cette magie perdue, cette âme d’enfant trop tôt disparue, le 7e art nous l’a en partie restituée en ce début de XXIe siècle en transposant, sur le grand écran, l’œuvre magistrale de John Ronald Reuel Tolkien : Le Seigneur des Anneaux. Dans cette trilogie cinématographique diffusée entre 2001 et 2003, correspondant aux trois volumes de Tolkien parus entre 1954 et 1955 (La Communauté de l’anneau, Les Deux Tours et Le Retour du roi), on nous parle, entre autres créatures fantastiques, de nains et d’elfes. Et même si ces derniers n’ont pas grand-chose à voir avec ceux de notre folklore (sauf pour les nains où il existe un certain nombre de concordances), il faut reconnaître que Tolkien a été quelque peu inspiré par des récits très anciens et notamment par la mythologie scandinave. Et c’est justement dans ce monde d’un autre temps, où pullulaient mythes et légendes, que nous invitons le lecteur à nous suivre, afin de partir à la découverte de ces deux peuples en apparence différents, voire carrément antinomiques : les nains et les elfes.
Les nains
Le peuple des nains imaginé par Tolkien n’est pas si éloigné de celui décrit par la mythologie scandinave, ne serait-ce que par son mode de vie souterrain. En effet, les nains de Tolkien vivent dans les profondeurs des montagnes dont ils ont aménagé l’intérieur d’une façon proprement incroyable, avec des salles colossales, des escaliers et une multitude de tunnels. Mais ces tailleurs de pierre hors pair sont également des forgerons sans égal, travaillant les métaux qu’ils extraient eux-mêmes de leurs nombreuses mines. Avec le fruit de leur travail, les nains ont amassé des richesses incommensurables, constituées aussi bien d’or que de pierres précieuses. Considérés, dès lors, comme cupides, ils n’en demeurent pas moins des êtres profondément épris de justice. Enfin, leur vaillance au combat est légendaire, et, malgré leur petite taille (mesurant entre 1,20 m et 1,35m), ils sont considérés comme de redoutables guerriers, servis par une force peu commune et une résistance à toute épreuve. Leur caractère, cependant, est peu engageant. Particulièrement irascibles, mieux vaut ne pas les provoquer. Le personnage de Gimli créé par Tolkien en est l’archétype même. Bourru et volontiers querelleur, Gimli se révélera toutefois un ami loyal et digne de confiance, ayant mis sa hache au service d’une grande cause. Une dernière caractéristique concernant les nains de Tolkien doit ici être signalée : si ces êtres de petite taille, aux barbes abondantes, ne sont pas immortels, leur durée de vie se situe, tout de même, entre 200 et 400 ans.
Après ce bref aperçu du peuple des nains dans le legendarium de Tolkien, penchons-nous sur la mythologie nordique qui n’est pas sans nous livrer quelques précieuses informations sur ces êtres de légende. Dans un premier temps, nous relevons dans « la Fascination de Gylfi », une des principales œuvres de l’historien et poète islandais Snorri Sturluson écrites en vieux norrois (précisons ici que c’est grâce à cet auteur du début du XIIIe siècle que nous sont parvenus bon nombre des mythes scandinaves), que les nains prirent vie à partir du corps en décomposition du géant primordial Ymir. Mais n’étant alors que des vers, les dieux décidèrent de leur octroyer une forme humaine tout en faisant d’eux des êtres doués de raison. Cependant, au lieu de vivre à la surface, comme tout véritable être humain, les nains allèrent habiter « la terre et les pierres ». Cette prédisposition pour les entrailles de la terre vient assurément du caractère tellurique des nains qui, ne l’oublions pas, sont issus du géant Ymir dont la chair servit aux dieux pour façonner la terre. Claude Lecouteux, dans son admirable ouvrage intitulé « les Nains et les Elfes au Moyen Âge », nous rappelle également une genèse des nains, due à un auteur germanique ayant vécu au XVe siècle, dans laquelle est mise en évidence la prédilection des nains pour les montagnes et l’exploitation minière : « Il faut savoir aussi pourquoi Dieu créa d’abord les nains minuscules, puis les énormes géants et enfin les héros. Il commença par créer les nains minuscules parce que la terre et les montagnes étaient sauvages et en friche, parce qu’il y avait, cachée dans les monts, une grande quantité d’or, d’argent, de pierres précieuses et de perles. Pour cette raison, Dieu donna aux nains une grande science et une grande sagesse, afin qu’ils discernassent le bien du mal et sussent à quoi toutes ces choses étaient bonnes… »
Retrouvez la suite du dossier de Pascal Cazottes dans les pages de Génération Cités d'Or #10 :
Comments